VIII) Histoire
Chapitre 1Naomi leva les yeux du gâteau digne d’un conte de fée. Assis face à elle, la raison de son malheur. Kazuki Hirobe, fils héritier d’une famille qui étirait son influence partout, ne lui accordait aucun regard. En fait, il ne s’intéressait plus à elle depuis une semaine, une énorme semaine. Dans un crissement de chaise, il avait disparut. À peine quitté la salle à manger, sa voix grave se répercutait sur les murs, le mot bénéfice aux lèvres. À peine levée à son tour, qu’un petit bonhomme de 5 ans la regardait avec un sourire charmeur. Il tendit ses petits bras devant lui, tenant fièrement le dessin d’une famille heureuse.
« Merci Hideki. »
« Tu joues avec moi Okâ-san ? »
« Maman a besoin d’un peu de repos. Plus tard chéri. »
Le petit visage se décomposait pendant qu’elle s’éloignait.
Naomi verrouilla la porte de sa chambre, s’étendit sur les draps de soi et laissa coulé ses larmes. Pourquoi? Pourquoi ? Son destin avait tourné par la faute d’une curiosité, une aventure d’un soir. Maintenant enceinte de son expérience, on l’avait obligé à se marier pour lier une alliance commerciale, pour taire son erreur. Mais, elle ne comprenait pas. Pourquoi son père aimé avait-il refusé l’avortement ? Pourquoi avait-il tout avoué aux Hirobe ?
À cause de son erreur, elle avait un mari, un garçon de 5 ans, un bébé à naître, une énorme maison, des tas de domestiques. Elle habitait un pays inconnu, avec une nouvelle langue, une culture étrange et dans une ville beaucoup trop immense. Perdu, voilà comme elle se sentait. Naomi posa une main sur son ventre. Mais, bientôt, elle s’en fuirait. Délivrée du bébé, elle laisserait tout derrière elle pour refaire sa vie. À 20 ans, elle avait toutes les possibilités.
Chapitre 2Les rayons du soleil entrait par la fenêtre de la pièce. Ils venaient chatouillé son nez. Dieu était-il contre elle aujourd’hui ? En plus de la douleur terrible, son nez la grattait maintenant. Autour du lit, il n’y avait seulement que des visages inconnus, pas même la silhouette de Kazuki. Depuis plusieurs minutes, Naomi donnait toutes ses forces pour expulser enfin ce bébé de malheur de son ventre. Bientôt, elle serait libérée. Elle pourrait accomplir la fugue qu’elle planifiait depuis 9 mois.
Dans un ultime effort, la fillette se décida enfin. Naomi sentit un immense soulagement. La douleur était partit avec elle. Docteurs et infirmières s’occupèrent du bébé, laissant la mère prendre son souffle. La tête de Naomi ne rêvait plus que de son départ vers l’Allemagne. C’est avec surprise qu’elle sentit le petit poids contre ses bras. La fillette la regardait de ses yeux d’amande. Naomi y vit la peur, la même sensation qu’elle ressentait. Un peu comme Alice aux pays des merveilles, la fillette était perdue dans un monde qu’elle ne comprenait pas. Naomi l’aiderait, elles seraient fortes ensemble.
Chapitre 3Doucement, Alice tourna sur elle-même. La grande robe lui serrait la gorge et les frous-frous de dentelles la grattait affreusement. Mais, l’immense sourire de Maman valait toutes les souffrances.
« Tu es magnifique ma chérie! Tu porteras celle-là. »
Alice poussa un petit soupir de soulagement. Voilà une heure que Maman tentait de lui trouver la tenue parfaite pour l’occasion. En se regardant dans le miroir, elle crut voir une de ses poupées de porcelaine. Maman aimait jouer à la poupée. Alice était sa favorite. Mais, elle ne se plaignait pas. Au moins, Maman l’aimait.
Aujourd’hui, Ojî-san et Obâ-san venaient les visiter. Papa lui avait parlé directement pour la première fois depuis 3 jours. Pas de bêtises, utiliser les cours de bonnes manières, ne pas parler sans y être invité… Tsubaki savait tout ça. C’était les règles de la maison.
Devant la porte, elle avait tenu la main de Hideki serrée dans la sienne. Si Maman donnait de l’amour, Papa de l’argent pour ses robes, Oni-san était sa protection. Avec lui, elle se sentait en sécurité. Même s’il marmonnait son mécontentement, Alice savait qu’il l’aimait à sa manière. La preuve! Hier soir, la fillette était entrée dans sa chambre apeurée par l’orage. Oni-san l’attendait déjà, la couverture levée.
La soirée tirait à sa fin. Obâ-san demande d’entendre Alice chanter, pour voir ce que les cours donnaient. Takashi fut demandé au piano, pour son talent sur cet instrument. Devant sa famille, Alice éleva sa petite voix cristalline de 5 ans. Dans les yeux et le sourire de Hideki, elle crut voir du bonheur.
Chapitre 4Alice gonfla ses joues pour se donner un air furieux. Un nouveau coup de crayon gâché ! Pas facile de dessiner dans une voiture qui roule. Après le départ de Papa et Hideki, Alice avait rester seule avec Maman. Elle l’avait retenu à la maison pour une raison mystère. Maman avait son regard triste. Hier soir, Alice avait encore entendu les cris de la dispute de ses parents par la porte de sa chambre. Depuis, Maman avait ce drôle de regard, celui qui fait un peu peur à Alice. Ignorant ses détails, Alice avait agit comme à l’habitude. Demander à Maman quoi porter, laisser Maman choisir son déjeuné, laisser Maman lui donner milles baiser… Jouer à la poupée quoi.
Dès les garçons partis, Maman l’avait embarqué dans la voiture, sans un mot. Puis, elle avait conduit la voiture sur un long chemin. Ennuyée, Alice s’était mise à dessiner avec l’attirail qu’elle traînait toujours avec elle. Malgré son talent, dessiner dans une voiture n’était jamais facile. C’était la troisième fois qu’elle recommençait le trait qui devait faire la bouche du portrait de Maman. La petite fille décida finalement de poser la question qui lui brûlait les lèvres.
« Mama, où on va ? »
Les mains semblèrent se crisper sur le volant. Le silence revient dans l’auto. Alice reprit son sourire de poupée et termina finalement les lèvres de Maman.
« Loin, très loin »
Le murmure fit sursauté Alice. Elle ne s’entendait pas à une réponse, surtout celle-là. Maman tourna la tête vers les sièges arrière, vers elle. Elle avait son sourire de tendresse mais ses yeux semblaient encore tristes.
« Tout ira bien Alice, oui, tout… »
Choc terrible, un bruit de pneu horrible, la voiture qui se balance dans tous les sens, la tête de Maman qui frappa le pare-brise, puis le noir complet. C’est le bruit d’une sirène d’urgence qui tira Alice du néant. Le bruit lui faisait mal aux oreilles. Difficilement, la petite fille ouvrit les yeux. Maman était tordu dans une position tout sauf confortable. À chacun de ses mouvements, elle entendait le crissement de la vitre brisée. Alice tendit la main vers Maman, mais la retira aussitôt. Elle venait de remarquer l’odeur, la couleur. Du sang, partout sur le corps de Naomi McIntosh. Le visage défait par les coupures, les jambes écrasées par l’impact, seule une main intacte pointé vers elle… Alice ne put retenir le cri d’horreur qui poussait ses lèvres, le dernier cri avant que sa voix ne se cache quelque part dans son cœur…
Chapitre 5D’une main, Alice ouvrit la porte du bâtiment. L’air frais lui fit un bien fou. Être enfermé aussi longtemps était toujours un aussi grand supplice pour elle. La jeune fille poussa un soupire de soulagement. Finit jusqu’au prochain Samedi. Dire qu’elle passait tous ses Week-end à l’école, en plus de la semaine…
« Alors, ce n’était pas si terrible, nee? »
Keiko, sa meilleure amie, la regardait avec un sourire. Presque un an depuis que Maman était morte et pas un seul mot n’avait sortit de ses lèvres. Un an qu’elle ne communiquait plus que par signes informels que seuls son frère et Keiko savait déchiffrer. Voilà une semaine, Keiko l’avait rattrapé à la fin des cours. « Une surprise » lui avait-elle dit pour la convaincre de la suivre. Comment refusé de faire plaisir à la seule personne qui vous parle en dehors de sa famille, la seule qui était resté son amie malgré tout? Keiko l’avait amené dans une école où on enseignait le langage des signes, le vrai, celui qui est universel. D’abord, Alice avait catégoriquement refusé. Les gens la regarderaient comme la malade, la faible… Pas question! Mais, son amie avait finit par la convaincre. Surtout quand elle déclara qu’elle et Hirobe iraient suivre les cours avec elle.
Dès le premier cours, Alice avait vu le visage de son frère et de sa amie s’illuminé. Après tout, c’était un bon pas vers la guérison. À la maison et à l’école, Alice s’était surprise à sourire, un sourire franc, quand elle obtenait des réponses après quelques gestes des mains. Maintenant, elle ne manquait aucun cours, même si elle trouvait toujours d’être vu comme une malade.
Keiko lui attrapa la main et déposa un baiser sur sa joue. De l’autre, elle pointa le marchant de glace de l’autre côté de la rue.
« Je t’offre une glace, pour des supers efforts! Tu l’as veux à quoi? »
Alice gesticula pour répondre Ichigo (à la fraise). Keiko eut un nouveau sourire et la tira en courant vers le marchant. Hirobe suivait derrière, mains dans les poches.
Chapitre 6Couchée à même le sol, Alice se creusait la tête pour réussir ce fichu devoir de science. Dire que Hideki devait l’aider. Où était-il celui-là ? La jeune fille se redressa pour s’étirer et prendre une bonne gorgée d’eau. Même avec son absence, Alice s’était installée dans la chambre de son frère. En y regardant bien, cette pièce leur appartenait à tout les deux. Des chandails, un pyjama et même son précieux carnet à dessin traînaient dans la pièce. Un bruit de pas silencieux attira son attention vers la porte. Hideki se tenait dans le cadre de la porte, un regard plus sombre que d’habitude.
« Où étais-tu ? » déclara-t-elle avec un regard furieux.
« Otô-san veut te voir! »
Alice plaqua sa main contre sa bouche. Elle détestait avoir un entretient avec son père. Pourtant, avec un sourire parfait, elle tendit la main à son frère.
« Toute seule ! »
« Quoi !? » gesticula-t-elle.
Papa n’avait jamais apprit le langage des signes. Perte de temps avait-il dit. Hideki était souvent le seul traducteur disponible. Papa ne voulait pas donc pas une discutions. Inquiète, elle se releva doucement. Alice prit une profonde inspiration. Deux pas vers la porte… Oni-san retient son bras. Furtivement, un baiser sur le front, un petit mot d’encouragement, puis l’attitude sombre revient en force. Sourire forcé, Alice continua son chemin.
Papa était calé dans son grand fauteuil de cuir. Son regard était encore plus apeurant que celui de son fils. Alice se força à prendre son air de poupée, pratiqué depuis si longtemps.
« Tsubaki, j’ai pris une importante décision à ton sujet. Tu devras te rendre au Centre Leamington, dans les Alpes. C’est un endroit spécialisé pour les personnes comme toi. Ils t’aideront à guérir. Ton départ est fixé dans deux jours. »
La jeune fille savait que ce n’était pas la seule raison. Hideki qui voulait se tourner en psychologie en étant une, la relation trop intime, trop complexe entre eux en était une autre, peut-être celle qu’elle avait avec Keiko le gênait aussi. Son inutilité pour la grande famille Hirobe en était sans doute la plus importante. Impossible de répliquer, impossible de lui répondre dans une langue qu’il pouvait comprendre. Alice arrêta ses pas de poupée devant son frère.
« Alors ? »
Les yeux d’Alice se remplirent de larmes qu’elle n’arrivait plus à contenir. D’un bond, elle se jeta dans les bras d’Oni-san.